[RE VUE DE PRESSE] A l’occasion de la rentrée scolaire, les médias se sont penchés sur le mal-être des enseignants, de la maternelle au lycée – le phénomène est aujourd’hui décrit et étayé par de nombreuses études scientifiques. Les causes sont connues, parmi lesquelles une moindre considération pour leur métier dans la société, des relations plus tendues avec les parents des élèves, des conditions de travail et une rémunération dégradées.
La question de la prévention du suicide est également posée, après celui de Caroline Grandjean, directrice d’une école primaire dans le Cantal, survenu le jour de la rentrée. Mariée à une femme, elle avait subi des insultes homophobes et des menaces de mort, inscrites sur les murs de son école et sur des messages, tous anonymes.
Les enseignantes et enseignants interrogés à la veille de la rentrée scolaire par la journaliste de BFM TV Jeanne Bulant dressent un tableau contrasté de leur métier, qu’ils aiment tout en envisageant, pour certains, de le quitter. Parmi les griefs énoncés, l’ingérence des familles et le manque de soutien de l’Education nationale en cas de difficulté.
“L’an dernier, j’ai par exemple eu des échanges de mails très passifs-agressifs avec des parents d’élèves, souvent pour des broutilles : une mauvaise note contestée, un comportement pointé du doigt et immédiatement remis en cause, explique Christophe, professeur d’histoire-géographie. C’est extrêmement chronophage et on se retrouve généralement tout seul. Humainement et personnellement, la direction comprend le problème, mais l’institution, elle, reste marmoréenne et ne bouge pas”.
- Lire les témoignages dans l’article du 30 août sur BFM TV
Une étude menée en Australie, publiée en juillet dans la revue Social Psychology of Education, montre que la France n’est pas le seul pays confronté à une dégradation de la santé mentale de ses enseignants et une augmentation des démissions. Les profs interrogés (primaire et secondaire) disent se sentir submergés, non pas par l’enseignement en soi, mais par la multiplication des tâches périphériques – obligations administratives, procédures de conformité, collecte excessive de données.
Or le 10e Congrès mondial de l’Internationale de l’Éducation à Buenos Aires (Argentine) avait acté en 2024 une forte corrélation entre le bien-être des enseignants et celui des élèves, ainsi que leur réussite, alerte la journaliste de Destination santé Hélène Joubert.
Une enquête sur “le vécu au travail” dans les collèges et les lycées vient d’être publiée par le ministère de l’Education nationale. Cette note de la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance indique qu’au printemps 2024, “les conditions de travail sont globalement jugées de façon mitigée, et plus négative que lors de l’édition précédente [il y a 5 ans]”. Par ailleurs, la journaliste de L’Etudiant Eloïse Girard rappelle qu’en 2023, 966 enseignants des collèges et des lycées publics ont démissionné. Ce chiffre a quadruplé en dix ans.
Quelles pistes sont avancées pour mieux prendre soin de la santé mentale des enseignantes et des enseignants ? Dans sa note “Enseigner : une vocation à reconstruire, un équilibre à restaurer”, le Haut commissariat au plan souligne que par sa nature, le métier est associé à une « intensité émotionnelle » bien supérieure à la moyenne. Plus d’un enseignant sur cinq (contre 12 % de l’ensemble des salariés de la fonction publique et 13 % des cadres de catégorie A) se déclarent « bouleversés, secoués, émus dans le travail ». Il appelle à “une reconnaissance institutionnelle renouvelée, qui garantisse soutien et légitimité face aux difficultés quotidiennes et associe davantage les enseignants à la définition des politiques éducatives et aux réformes qui les concernent”.
Des enseignants s’organisent entre eux pour changer de métier, développant des groupes d’entraide sur les réseaux sociaux et les forums de discussion. “La sortie du métier demeure taboue [au sein de l’Education nationale], les responsables politiques tendant à minimiser le phénomène”, note la chercheuse de l’université de Bordeaux Camille Croizier, docteure en Sciences de l’éducation.
Des enseignants ont aussi créé des associations de soutien pour ceux qui veulent changer de métier, comme Aide aux profs, en cas de harcèlement moral au travail, comme HelpEN, et prévenir le risque suicidaire, comme Stop Suicide Educ Nat. Contacté par la journaliste du Dauphiné Libéré Alexandra Simard, le ministère rappelle l’existence d’un dispositif national gratuit d’écoute par des psychologues, et d’un dispositif de signalement en cas d’actes de violence, de harcèlement ou d’agissements sexistes.