La santé mentale et le numérique

Mise à jour : 24/09/2024
La santé mentale et le numérique
Grâce à nos téléphones et nos ordinateurs, nous accédons à des applis, des groupes de discussion ou des vidéos qui nous aident à prendre soin de notre santé mentale. Au risque, parfois, de devenir addict ?

Internet, applis : comment en tirer le meilleur 

Le numérique change notre façon de prendre soin de notre santé mentale. Sur nos téléphones, nous téléchargeons des applications qui nous aident à retrouver notre calme dans une situation de stress. Avec internet, nous trouvons plus facilement de l’information sur les questions qui nous préoccupent, nous consultons notre psychologue à distance en vidéo,  nous échangeons sur les réseaux sociaux avec des personnes ayant rencontré les mêmes difficultés que nous

Tous ces outils peuvent avoir des effets positifs sur notre santé mentale. Grâce à la téléconsultation, par exemple, nous pouvons être suivis par un ou une psychiatre même si son cabinet est loin de notre domicile. Grâce aux forums de discussion, nous pouvons à tout moment trouver du soutien moral auprès d’autres internautes. Et il n’est pas nécessaire d’être un as de l’informatique pour tirer parti de ces dispositifs !

Cependant, il y a de quoi être dérouté, avec les nouvelles fonctionnalités qui apparaissent régulièrement sur nos téléphones et les mises à jour fréquentes des logiciels sur nos ordinateurs ou nos tablettes. La technologie évolue sans cesse, chaque outil a ses particularités. C’est pourquoi il est souvent utile de se faire guider, la première fois qu’on utilise un service, par des personnes familières de son usage. 

Pour s’informer 

Le téléphone et l’ordinateur offrent la possibilité de trouver instantanément des informations sur la santé mentale, le jour comme la nuit. En restant derrière son écran, on peut rester anonyme. De cette manière, nous pouvons notamment nous renseigner sur des sujets tabous sans nous dévoiler, par exemple le fait d’avoir des idées noires, la peur de rougir dans les situations embarrassantes (qu’on désigne sous le nom d’eurotophobie) ou le fait d’entendre des voix. 

Les personnes concernées par un trouble psychique peuvent, grâce au numérique, s’informer elles-mêmes sur le diagnostic, les traitements, les structures où trouver de l’aide, leurs droits, etc. Elles gagnent en pouvoir d’agir (empowerment ou empouvoirement, selon la traduction proposée par le Conseil national du numérique) grâce à l’accès plus large à des informations scientifiques ou à des témoignages et au partage d’expériences.

 
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Pour s’entraider

Lorsque nous nous sentons isolés, nous pouvons consulter des blogs ou des chaînes vidéo tenus par des personnes ayant des points communs avec nous. Nous pouvons échanger sur  des forums de discussion ou sur les réseaux sociaux et ainsi, obtenir du soutien moral. Avec internet, on peut s’exprimer en gardant son anonymat ou sous pseudo. Cela permet d’aborder des questions délicates, en se sentant en sécurité.

Nous pouvons aussi intégrer une communauté virtuelle réunie autour d’un même centre d’intérêt, par exemple une problématique comme l’agoraphobie, ou bien l’envie d’organiser des sorties en forêt dans sa région. Le sentiment d’appartenir à une communauté favorise le bien-être. Être membre d’un groupe permet aussi l’entraide. Ces rencontres virtuelles peuvent d’ailleurs déboucher sur des rencontres dans la vie réelle. On trouve ces communautés via leur site internet ou en faisant une recherche par thème sur les groupes Facebook. 

Pour trouver du soutien en cas de détresse

Le numérique peut aussi aider à nous apaiser, en évitant que notre anxiété grandisse ou que notre agitation augmente. Des applis sur téléphone nous permettent de mieux réguler nos émotions où que nous soyons, à la maison, au travail ou dans les transports. On y trouve des exercices de respiration, de cohérence cardiaque, de relaxation. D’autres applis permettent de tenir un journal de bord et de surveiller, au quotidien, des facteurs qui influencent notre santé mentale comme la qualité de notre sommeil ou le niveau de notre activité physique.

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En cas de détresse psychologique, des applis permettent de trouver du soutien en proposant une mise en relation instantanée avec une personne proche, dont le numéro a été préenregistré, avec une structure dans laquelle on est suivi ou avec des numéros d’urgence.

Sur certains sites à destination des jeunes, des personnes vivant avec des addictions ou encore des personnes victimes d’homophobie, nous pouvons accéder à des tchats. On y discute par messages ou textos avec des professionnels de l’écoute, des psychologues ou des bénévoles. Il existe aussi des chatbots de soutien psychologique. Il s’agit de personnages virtuels capables, grâce à des logiciels, de tenir une conversation par messages, comme le ferait un humain… ou presque. On peut les solliciter à toute heure du jour et de la nuit. 

Quelques précautions à prendre

Certaines précautions sont nécessaires pour tirer le meilleur du numérique et ne pas mettre en péril notre santé mentale. En effet, l’utilisation d’internet, des réseaux sociaux ou des jeux vidéo peut vite devenir excessive, entraînant une perte de notre motivation pour les autres activités et un isolement. D’autres risques existent, comme le harcèlement en ligne ou le contact avec des mouvements s’apparentant à des sectes. Mieux les connaître aide à s’en prémunir. 

Limiter le temps passé sur internet

Il est parfois difficile de décrocher de nos écrans.  Ces outils déclenchent en effet des comportements compulsifs qui, à force, peuvent devenir nocifs. On qualifie un peu trop facilement ce phénomène de dépendance, par comparaison avec la cigarette ou l’alcool. En réalité, on ne sait pas encore si les jeux vidéo et internet peuvent provoquer une réelle addiction. 

En limitant le temps que nous passons sur nos écrans, nous préservons notre équilibre psychique. Sur les réseaux sociaux notamment, beaucoup de personnes donnent une image idéale d’elles-mêmes, qui ne correspond pas à la réalité. A la longue, être témoin de ces vies en apparence parfaites peut générer des doutes sur sa propre valeur, une perte d’estime de soi et de l’insatisfaction. De plus, consulter plusieurs heures par jour les réseaux sociaux exposerait davantage à des personnes postant des messages émotionnels, exprimant colère ou découragement. Cela peut entraîner une accumulation de sentiments négatifs et une augmentation de la dépression, selon certaines études scientifiques. 

Pour nous aider à reprendre le contrôle, nous pouvons créer une alarme sur notre téléphone afin de penser à nous déconnecter au bout d’une ou deux heures. Nous pouvons désactiver les notifications de nos applis pour ne pas être sollicité hors des moments choisis pour les consulter. Nous pouvons aussi faire une pause des réseaux sociaux en désactivant temporairement nos comptes Facebook, Instagram ou Tik Tok.

Par ailleurs, les écrans diffusent une lumière bleue que le cerveau interprète comme un signal d’éveil. Ne pas les utiliser dans les heures qui précèdent le coucher favorise le sommeil

Se protéger des fausses informations

De nombreux internautes propagent de fausses nouvelles (infox ou fake news), notamment sur les réseaux sociaux. Celles-ci peuvent, par exemple, cautionner un traitement en réalité inefficace. Très souvent, elle jouent sur nos peurs.  Lire ou écouter des informations inexactes peut fausser notre jugement et augmenter inutilement notre anxiété.  

Il est bon de garder du recul sur ce que nous lisons ou voyons sur internet. Pour cela, méfions nous des remèdes miracles, des solutions apportées par une seule personne, de ce qui est présenté comme la cause unique d’un problème compliqué. 

Les principaux médias en ligne ont créé une rubrique de vérification des faits, pour laquelle les journalistes enquêtent, afin de démêler le vrai du faux. On trouve ces rubriques en tapant dans un moteur de recherche des mots clés comme désinformation, infox, info intox. La rubrique Factuel de l’Agence France Presse permet de vérifier si telle ou telle nouvelle est une rumeur, ou pas.

S’interroger avant de télécharger une appli

Si certaines applications vont dans le sens de meilleurs soins en santé mentale, très peu ont fait l’objet d’études scientifiques rigoureuses montrant leur efficacité et leur fiabilité. De plus, la plupart ne garantissent pas la confidentialité et la sécurité des données de santé qu’elles collectent, ni l’utilisation qui en est faite.

Faute de label de qualité, actuellement c’est à chaque personne de se poser des questions avant de télécharger une appli. Par exemple : Est-elle facile à utiliser ? Qui l’a développée ? Qui la finance ? Peut-on trouver des commentaires de personnes qui l’utilisent et qui confirment son efficacité ? 

 

Actuellement, en France, il n’existe aucune structure officielle évaluant les applications mobiles dédiées à la santé. Le secteur des applications est un marché ouvert et non régulé, pour lequel les développeurs n’ont aucune obligation de validation scientifique. C’est donc à l’usage et au fil du temps que nous pouvons juger de l’utilité, pour nous, de telle ou telle appli. 

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Exercer son esprit critique

Des forums ou des blogs  font la promotion de conduites à risques comme des restrictions alimentaires pouvant favoriser l’anorexie, des prises de drogues et autres substances toxiques, des prises de risques.  Leurs contenus contribuent à banaliser ou glorifier ces conduites. Face à ce type de messages, il convient d’exercer son esprit critique. On peut aussi les montrer à son entourage pour recueillir des avis.

Par ailleurs, des forums ou blogs sont parfois utilisés pour partager des méthodes suicidaires ou faire des pactes de suicide. Si on se trouve en situation de détresse, composer le 3114 (disponible 24h/24, 7 j/7) qui est le numéro de prévention du suicide, ou le numéro d’une ligne d’écoute pour obtenir du soutien.

Des mouvements à risque de dérives sectaires utilisent aussi internet pour se faire connaître, propager leurs thèses et exercer leur emprise. En cas de doute, on peut se renseigner auprès d’associations comme l’Union nationale des associations de défense des familles et de l’individu victimes de sectes (UNADEFI). 

Se préserver de la violence en ligne

Le numérique peut nous exposer à des images, des vidéos, des messages ou des jeux violents. Cela peut engendrer, chez certaines personnes, une augmentation de la peur et de l’anxiété, des comportements violents, des pensées agressives et une insensibilisation à la violence lorsqu’elle survient dans le monde réel.

Si une personne pratique de façon excessive les jeux vidéo violents, l’entourage peut ouvrir la discussion sur la différence entre la violence à l’écran et dans la vie réelle. Des jeux vidéo dits pro-sociaux, qui mettent en avant des conduites d’aide envers autrui, peuvent être proposés. 

Avec le numérique, le risque existe de vivre des situations de harcèlement en ligne, d’agression, d’intimidation, d’encouragement à des actes de violence. On peut aussi s’exposer à des contenus à caractère pornographique, comme des images, des vidéos ou des sextos (pratique consistant à envoyer des messages multimédias à caractère sexuel) – ou bien des contenus à caractère violent. De nombreux moyens peuvent cependant être utilisés pour limiter les mauvaises expériences

On peut activer un filtre sur Google ou installer un logiciel de filtrage sur notre ordinateur pour éviter de tomber, malgré nous, sur des contenus dérangeants. Sur Facebook, on peut configurer son compte pour ne plus voir les commentaires contenant des mots précis. De manière générale, on peut se limiter à lire les publications des personnes ou de sites que l’on connaît, en évitant de taper des mots sur les moteurs de recherche ou d’explorer des mots dièses (hashtags). 

Sur les réseaux sociaux, on peut activer certains paramètres pour “bloquer” des personnes, c’est à dire ne plus recevoir leurs messages et les empêcher de nous contacter. En cas de malaise ou de conflit avec une personne lors d’une discussion en ligne, on peut solliciter les administrateurs du groupe, ou bien les modérateurs du forum, afin qu’ils interviennent pour une médiation.  

Garder la confidentialité

Il est important de ne pas diffuser des informations personnelles sur internet, comme notre lieu de résidence ou notre numéro de téléphone. Certaines personnes rencontrées en ligne ont de mauvaises intentions et souhaitent manipuler les autres à leur avantage. Elles peuvent chercher à obtenir de l’argent ou à abuser de notre confiance.

Les informations concernant notre santé, par exemple un traitement médical, un diagnostic de trouble psychique, le statut de personne handicapée, sont particulièrement sensibles. Les rendre publiques peut nous causer du tort. Aussi il est prudent de réfléchir aux conséquences possibles avant de décider, ou non, de partager certaines de nos “données de santé”. 

Chaque application propose des fonctionnalités pour se protéger, généralement proposées dans la section “confidentialité”.  Sur les réseaux sociaux, nous pouvons utiliser un pseudo et paramétrer notre compte sur “privé”, ce qui permet de contrôler quelles personnes ont accès à nos publications. On peut aussi décider que notre localisation ne soit pas communiquée. 

  • Consulter la page Vérification du quotidien Le Monde, avec des conseils et astuces pour nous aider à vérifier les informations qui circulent sur internet
  • Trouver un point d’accueil Emmaus Connect dans sa ville pour s’initier à l’utilisation d’internet
  • Savoir où cliquer pour activer les filtres sur internet et sur téléphone afin de protéger son enfant de la pornographie et des contenus inappropriés, avec le site gouvernemental Je protège mon enfant
  • Trouver des conseils à destination des parents pour un meilleur usage des écrans selon l’âge de l’enfant, réunis par l’Arcom (Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, ex CSA)
  • Lire le guide pratique La famille tout-écran édité en 2017 par le Centre pour l’éducation aux médias et à l’information (Clemi)

Cet article a été écrit par Estelle Saget (Psycom) à partir de la brochure Santé mentale et numérique rédigée par Déborah Sebbane (CCOMS), Margot Morgiève (CHU de Montpellier et de Lille), Julia Savalli (Psycom) et Céline Loubières (Psycom).

© Psycom – Tous droits réservés

Céline Loubières déclare ne pas avoir de liens d’intérêts avec des entreprises fabriquant ou commercialisant des produits de santé (médicaments, dispositifs médicaux, matériel médical, e-santé, marketing médical, etc.).

Margot Morgiève est chercheuse en sciences sociales de la santé mentale aux CHU de Montpellier et de Lille, à la F2RSM-Lille, au CCOMS, ainsi qu’à l’ICM & Cermes3-Paris. Elle est membre du Conseil scientifique de DoctoConsult, participe en tant qu’investigatrice aux études CRAZY’APP, EMMA, EQUME, ORIAS et SMART’TOC.

Estelle Saget déclare ne pas avoir de liens d’intérêts avec des entreprises fabriquant ou commercialisant des produits de santé (médicaments, dispositifs médicaux, matériel médical, e-santé, marketing médical, etc.).

Julia Savalli déclare ne pas avoir de liens d’intérêts avec des entreprises fabriquant ou commercialisant des produits de santé (médicaments, dispositifs médicaux, matériel médical, e-santé, marketing médical, etc.).

Déborah Sebbane est psychiatre, directrice du Centre Collaborateur de l’OMS pour la recherche et la formation en santé mentale – EPSM Lille Métropole (CCOMS) et impliquée dans le projet européen e-Santé Mentale eMEN.

Ces déclarations peuvent être vérifiées sur la Base Transparence Santé du Ministère de la Santé.