[REVUE DE PRESSE] Les pénuries de médicaments utilisés en psychiatrie se succèdent en France depuis le début de l’année. Ainsi, 14 médicaments psychotropes sont actuellement concernés par des tensions ou des ruptures, selon les bulletins de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).
Ces pénuries sont problématiques pour les personnes sous traitement concernées par un trouble psychique, comme le rapportent médias et réseaux sociaux. Les solutions mises en place par les autorités sanitaires, les médecins ou les pharmaciens relèvent de la débrouille – comme la distribution par plaquettes et non plus par boîtes pour limiter le gaspillage. Les regards se tournent vers l’Europe, qui pourrait peser davantage et initier des changements structurels.
Les médicaments touchés, pour beaucoup considérés “essentiels” par le ministère de la Santé, sont des neuroleptiques (également appelés antipsychotiques), par exemple la quétiapine, l’olanzapine injectable à libération prolongée, la palipéridone injectable à libération prolongée ; des stabilisants de l’humeur, par exemple le lithium ; des antidépresseurs, par exemple la sertraline. La situation était qualifiée “d’intenable”, le 25 avril, par les représentants des patients, des proches et des professionnels de la santé mentale.
Pour les personnes concernées, la situation suscite de l’anxiété, au minimum. Médiatrice de santé paire, Juliette Vaillant qualifie la situation de “stressante”. “Je pars à la pharmacie tenter ma chance, il leur reste une boîte ! On se réjouit d’un rien, c’est dingue”, ironise-t-elle dans un post.
De son côté, le journaliste Baptiste des Monstiers a dévoilé son trouble du neurodéveloppement (le TDAH) et alerté du même coup sur les pénuries : “Ca fait deux ans que le traitement que je prends est en ruptures [régulières], des milliers de patients comme moi vivent avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête, ils ont une vie stabilisée et du jour au lendemain, ils pourraient voir leur monde s’effondrer”.
- Voir son témoignage dans l’émission de M6 La grande semaine sur LinkedIn
Il existe une alternative aux médicaments fabriqués par les firmes pharmaceutiques, les préparations dites magistrales, c’est à dire réalisées sur mesure par un pharmacien – à condition que le principe actif ne soit pas lui-même en rupture. Avec ce mode de production, le dosage reste le même. Néanmoins, certains s’interrogent sur les éventuels effets négatifs d’un tel changement. Le psychiatre David Masson cite le cas de Florence, concernée par des troubles bipolaires. Après le passage à une préparation magistrale, cette patiente a vécu une “rechute dépressive difficile avec angoisse massive”, écrit-il. Sans qu’un lien de cause à effet puisse être établi pour autant.
Il est difficile, à ce jour, de mesurer les effets de ces pénuries pour les patients, même si un suivi de pharmacovigilance a été mis en place par l’Agence du médicament. “On ne va pas évaluer les conséquences, prédit Claude Filkenstein, présidente de la Fédération nationale des association d’usagers en psychiatrie (Fnapsy). J’ai vu écrit 2 personnes qui ont décompensé [rechuté] dans toute la France, nous on en a déjà beaucoup plus !”
- Regarder l’émission du 26 avril sur BFM TV
Comment en est-on arrivé à manquer à ce point de médicaments ? La production est aujourd’hui mondialisée, soumise aux lois du marché. Dans leur tribune publiée le 15 avril dans le quotidien Le Monde, 4 psychiatres invoquent la délocalisation de la production de certains principes actifs, et un système français de fixation des prix parfois jugé insuffisamment rémunérateur par l’industrie pharmaceutique.
- Lire la dépêche de l’Agence France presse sur Ici
- Regarder l’enquête de Julie Lotz “Pénuries de médicaments, les labos font-ils la loi ?” dans l’émission Cash Investigation du 9 janvier sur France 2
Le salut viendra-t-il de l’Europe ? La Commission européenne a proposé le 11 mars une “loi sur les médicaments critiques” pour améliorer la sécurité de l’approvisionnement, prévoyant l’achat groupé de médicaments entre états européens et des incitations à la relocalisation de la production.
- Ecouter la chronique du 14 mars par Stéphane Geneste sur RFI
Mais des questions restent posées. “La proposition étant désormais soumise au processus législatif, les députés devraient introduire des amendements visant [notamment] à coordonner les mesures de stockage [d’urgence]” écrivent les journalistes Gerardo Fortuna et Marta Iraola Iribarren sur Euronews, afin d’encourager le partage des médicaments et la solidarité entre les pays européens en cas de pénuries.
- Lire leur article du 15 mars sur Euronews