Quelle place dans les soins pour la psychanalyse ?

Publié le 01/12/2025
Un amendement déposé par une sénatrice a proposé de ne plus rembourser les soins relevant de cette approche. Mobilisant les pour, mais surtout les contre.

[REVUE DE PRESSE] Un amendement, déposé le 13 novembre par une sénatrice lors de l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), a rouvert le débat autour de la place de la psychanalyse dans les soins en santé mentale. Cet amendement proposait de mettre fin au remboursement par l’Assurance maladie de « tout soin, acte et prestation se réclamant de la psychanalyse ou reposant sur des fondements théoriques psychanalytiques » à partir du 1er janvier prochain. 

La ministre de la santé Stéphanie Rist a émis un avis défavorable au nom du gouvernement, non sur le fond mais en estimant que le PLFSS n’était pas le bon outil pour un tel amendement. Celui-ci a finalement été retiré le 23 novembre. Retour en 3 questions sur un épisode complexe, qui révèle le besoin d’une plus grande transparence des professionnels vis à vis de leurs patients, sur les approches théoriques et les méthodes qu’ils utilisent. 

  • Regarder les interventions de la sénatrice et de la ministre le 23 novembre sur Public Sénat
  • Lire l’article du 24 novembre sur Le Point

Première question : pourquoi cet amendement a-t-il été déposé ? L’objectif était de faire des économies dans le budget de la Sécurité sociale. Il y avait aussi la volonté de résoudre un problème récurrent, celui de l’utilisation de la psychanalyse pour les troubles du neurodéveloppement – alors que cette méthode est “non recommandée” par la Haute autorité de santé.  La sénatrice Jocelyne Guidez, à l’origine de l’amendement, évoque les « nombreux témoignages de parents [qu’elle] a reçus et qui ont subi des dérives de thérapies psychanalystes, pour leurs enfants atteints d’autisme ou de TDAH [déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité] ». L’amendement, cependant, concernait à la fois les troubles du neurodéveloppement et les troubles psychiques. 

Deuxième question : cet épisode est-il la conséquence d’une guerre idéologique entre différents courants en psychologie ? Oui, pour partie. Quand on regarde qui a combattu publiquement l’amendement et qui l’a soutenu, on retrouve l’opposition historique entre les professionnels qui utilisent un modèle de pensée fondé sur les théories de Freud (en résumé, l’inconscient), et ceux qui se réfèrent au fonctionnement du cerveau (avec les fonctions cognitives) sur la base des recherches en neurosciences. 

  • Ecouter des représentants des deux courants dans l’émission du 24 novembre (12 minutes) sur France Inter 
  • Ou dans l’émission du 21 novembre (39 minutes) sur France Culture

Néanmoins, de nombreux professionnels ne se revendiquant pas (ou pas exclusivement) de la psychanalyse ont pris position contre l’amendement. Ainsi, la pétition lancée par le Syndicat national des psychologues, très relayée, défendait le principe d’une “pluralité des approches” pouvant bénéficier de fonds publics. 

Les professionnels qui, à l’inverse, ont soutenu publiquement l’amendement sont très peu nombreux. Dans un long post, le psychiatre hospitalier Hugo Baup a repris, pour les troubles du neurodéveloppement et les troubles psychiques, les conclusions des conférences de consensus et recommandations de bonnes pratiques. “Car la psychanalyse repose sur des théories souvent non validées scientifiquement (complexe d’Oedipe, stades freudiens du développement sexuel etc.) et qu’elle peut faire perdre beaucoup de temps aux gens, il ne me semble pas aberrant de questionner le remboursement par la sécurité sociale d’une telle approche”, écrit-il.  

  • Lire son post du 23 novembre sur LinkedIn

Le médecin généraliste, écrivain et militant LGBT (minorités sexuelles et de genre) Baptiste Beaulieu (son nom de plume), concentre son propos sur les conséquences des fondements théoriques de la psychanalyse sur les pratiques d’aujourd’hui.  “Je pense qu’on gagnerait tous à regarder l’histoire en face, écrit-il dans son post. Si je critique certains héritages de la psychanalyse, ce n’est pas par goût de la “science sans âme”, mais parce que cette discipline, telle qu’elle a été institutionnalisée pendant des décennies, a exercé une influence profonde — et souvent délétère — sur la vie des femmes et des personnes LGBT”. 

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Troisième question : peut-il sortir de cet épisode quelque chose de constructif ? La médiatrice de santé paire Jennifer Borsellino suggère que les professionnels se préoccupent davantage d’informer leurs patients sur l’approche qui guide leur pratique. “Au-delà d’être pro ou anti psychanalyse, au-delà de se positionner en tant que soignant, si on informait le patient (et sa famille quand c’est un enfant) ? Est-ce que vous en tant que patient ou parent de patient mineur, vous savez l’approche référentiel du soignant qui vous reçoit en CMP [Centre médico-psychologique] ? Est-ce qu’on vous laisse le droit d’accepter ou de refuser ce référentiel ?”

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CREDITS DE CETTE REVUE DE PRESSE

Veille de l’actualité en santé mentale : équipe Psycom
Choix du sujet en comité éditorial : Estelle Saget, Cyril Combes, Léa Sonnet, Aude Caria (Psycom)
Rédaction : Estelle Saget (Psycom)