[REVUE DE PRESSE] Voila deux mois que des soignantes témoignent des violences sexistes et sexuelles qu’elles ont subi, accrochant à leur récit le mot dièse #MeToo Hôpital initié par la médecin Karine Lacombe. On les lit et on les entend aussi bien sur les réseaux sociaux que dans les médias. Devant l’ampleur du mouvement, des mesures de lutte contre ces violences à l’hôpital mais aussi en ville ont été annoncées le 31 mai par le ministre délégué en charge de la Santé et de la Prévention, Frédéric Valletoux.
Retour en arrière. Le 10 avril, la professeure Karine Lacombe, figure de la pandémie de Covid-19, désigne nommément un médecin urgentiste médiatique pour des faits de harcèlement sexuel, dans une enquête publiée par le magazine Paris Match. La parole des soignantes et celle, plus rare, des soignants, se libère alors sur les réseaux sociaux. Dans des médias, deux anciennes ministres de la santé, Agnès Buzyn et Roselyne Bachelot, témoignent des violences qu’elles ont elles-mêmes vécues quand elles exerçaient à l’hôpital.
- Regarder l’émission ActuElles du 10 mai consacrée au #MeToo Hôpital sur France 24
- Lire des témoignages d’infirmiers ou de médecins postés sur le réseau X ex-Twitter, réunis par le journaliste Luc Angevert, sur What’s up doc
Le 29 mai, un rassemblement se tient devant le ministère de la Santé, à l’initiative du collectif d’étudiants en médecine Emma Auclert. Plusieurs mesures de “prévention et lutte contre les violences sexistes et sexuelles dans le secteur de la santé” sont finalement annoncées par Frédéric Valletoux. Ainsi, une formation sur ces questions deviendra obligatoire pour les professionnels de santé ; une équipe nationale d’experts enquêteurs sera créée pour “professionnaliser les enquêtes” sur les cas de violences et “prévenir l’entre soi” ; un dispositif d’accompagnement des victimes va être mis sur pied, avec une ligne d’écoute dédiée.
Les violences sexistes et sexuelles sont un facteur de risque avéré pour la santé mentale – la corrélation avec les tentatives de suicide, notamment, est établie. Dans le documentaire Des blouses pas si blanches, diffusé le 5 mai sur M6, la professeure de médecine Agnès Buzyn évoque le lien entre les violences qu’elle a subies à l’hôpital Necker et son mal-être de l’époque.
“Tout juste nommée professeure, Agnès Buzyn affirme [dans le documentaire] avoir subi harcèlement sexuel et moral pendant quatre années, au sein de l’hôpital Necker à Paris, rapporte la journaliste Enora Foricher dans Libération. Face à la violence de la mise à l’écart qu’elle subit, elle se décrit alors comme «pré-suicidaire». A demi-mot, elle évoque ses enfants comme étant la raison pour laquelle elle n’est pas passée à l’acte. Epuisée, elle finit par jeter l’éponge et quitte la profession”.
- Lire l’article mis en ligne le 6 mai sur Libération
- Ecouter la journaliste Marie Portolano décrire un “système pyramidal de domination” à l’hôpital sur Brut
- Regarder Des blouses pas si blanches, de Marie Portolano et Grégoire Huet, sur le site de M6
Il existe un nouvel indicateur pour mesurer ces violences, du moins pour les médecins : le baromètre sur les inégalités de genre de l’association Donner des Elles à la santé, à partir d’un sondage Ipsos réalisé auprès de médecins hospitaliers, femmes et hommes. En 2023, 78% des femmes interrogées ont déclaré avoir déjà été victimes de comportements sexistes. Et 30% ont déclaré avoir déjà subi des gestes inappropriés à connotation sexuelle ou des attouchements sans leur consentement.
Bien que récent, le mouvement #MeToo Hôpital a déjà produit des changements, conduisant notamment l’Ordre des médecins à une forme d’autocritique. Son vice-président, Jean-Marcel Mourgues, a admis sur France Inter, le 29 mai : “nous étions dans un silence” sur ces questions jusqu’ici. Il a annoncé plusieurs mesures pour que des sanctions soient effectivement prononcées par l’Ordre contre les médecins auteurs de violences sexuelles, notamment la création d’une commission nationale des plaintes déposées à ce sujet.
Le mouvement #MeToo Hôpital n’a pas encore produit un changement radical des mentalités, face à une culture et des traditions hospitalières bien ancrées. Mais il a permis une prise de conscience qui ne se limite plus à la jeune génération. Ainsi, la journaliste Solenne Le Hen, de France Info, a interrogé Hélène, 52 ans. Cette médecin expérimentée accueille désormais toutes les étudiantes en médecine en leur disant “Au moindre propos ou geste déplacé, venez m’en parler, on ne laissera pas faire”. Dans le reportage, elle dialogue avec Sophie, 24 ans, interne : “Tu as raison sur le fait de dire que les nouvelles générations d’hommes qui arrivent maintenant, en tout cas ceux que je vois passer comme internes, sont généralement irréprochables, sensibilisés à ces questions”.