La Commission sur l'inceste révèle l'ampleur des psychotraumas

Publié le 12/10/2022
Plus de 16 000 personnes ont répondu à l'appel à témoignages lancé l'an dernier par cette commission indépendante. Les récits des victimes montrent les conséquences durables des violences sexuelles subies dans l'enfance.

[VU SUR LE WEB] La Commission sur l’inceste a rendu public le 21 septembre son bilan “Un an d’appel à témoignages”. Les 16 414 récits de femmes et d’hommes victimes de violences sexuelles dans leur enfance révèlent l’ampleur des psychotraumatismes et leurs conséquences durables. L’impact des violences se manifeste aussi bien sur la santé mentale que sur la santé physique, les études, le travail, la vie familiale, la vie affective et sexuelle. 

“Ma vie, c’est : tomber, thérapie, se relever. Tomber, porter plainte, se relever. Tomber, faire semblant”, rapporte l’une de ces personnes. Les souffrances exprimées portent notamment sur  les douleurs inexpliquées, les symptômes du psychotraumatisme comme les conduites d’évitement de certains lieux et situations ou les souvenirs vifs de l’événement traumatique qui reviennent sans prévenir, la dépression, les tentatives de suicide, les conduites addictives, les troubles alimentaires. 

Dans ses préconisations, la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise), créée en janvier 2021 pour une durée de deux ans, demande de “garantir des soins spécialisés en psychotrauma aux enfants victimes de violences sexuelles et aux adultes qu’ils deviennent“.

Le même jour, le gouvernement a annoncé plusieurs mesures pour lutter contre ces violences. Début 2023, une campagne nationale sur les violences sexuelles faites aux enfants sera lancée “pour faire connaître leurs manifestations et leurs conséquences pour les victimes ainsi que les recours possibles”. Par ailleurs, il est prévu de déployer une Unité d’accueil et d’écoute pédiatriques (UAPED) dans chaque département pour accompagner les enfants victimes, sur le plan judiciaire et médical.  

Les prises de parole des victimes se sont multipliées ces dernières années, portées par le mot dièse #MeTooInceste sur Twitter. Parmi elles, Hélène, 56 ans, décrit les étapes qui l’ont menée à la prise de conscience des incestes subis de son grand-père et de son père, à la thérapie de fratrie entamée avec son frère et sa sœur, puis à une forme d’équilibre. “J’ai des cicatrices mais j’ai pas peur de vous les montrer”, dit-elle. 

  • Regarder Hélène raconter son histoire sur la chaîne YouTube du Centre national de ressources et de résilience (CN2R)
  • Et d’autres témoignages dans le documentaire “Inceste, le dire et l’entendre” sur France 3

Des initiatives voient le jour pour permettre aux enfants d’être entendus. L’association Mémoire Traumatique propose en accès libre un livret à feuilleter avec les enfants de 3 à 8 ans, “Quand on te fait du mal, informations sur les violences et leurs conséquences”. Les illustrations poétiques sont réalisées par Claude Ponti.

Comment lutter, à l’échelle de la société, contre l’inceste ? Une réflexion s’amorce autour de la question des droits des enfants. Le 9 septembre, un collectif de 14 thérapeutes, universitaires et militantes a publié un essai dénonçant “La culture de l’inceste” (Seuil). Cet ouvrage se penche notamment sur les relations entre les adultes et les enfants, sous l’ange de rapports de domination. “Quelles sont les meilleures conditions pour pouvoir disposer des corps de l’autre que celle où il est en dépendance affective, émotionnelle, matérielle absolue ? » interroge l’un des auteurs, Juliet Drouar, dans l’émission de France Inter.

  • Ecouter Iris Brey et Juliet Drouar sur France Inter
  • Voir qui sont les auteurs et leur intention sur le site des éditions du Seuil
  • Pour en savoir plus, lire l’entretien avec Dorothée Dussy publié en 2021 sur le site du CNRS et télécharger son ouvrage “Le berceau des dominations, anthropologie de l’inceste” sur la plate-forme archive ouverte du CNRS