S'autodiagnostiquer sur internet, pour le pire et aussi pour le meilleur

Publié le 03/04/2023
De plus en plus de personnes posent leur propre diagnostic de dépression, de stress post-traumatique, de TDAH ou d'autisme. Une pratique trop souvent critiquée.

[VU SUR LE WEB] Plusieurs médias ont alerté ces dernières semaines sur la tendance, de plus en plus marquée, à se diagnostiquer soi-même un problème de santé mentale après avoir navigué sur internet. Dernier en date, le média en ligne Slate titrait le 24 mars : “Santé mentale, attention à l’autodiagnostic sur les réseaux sociaux”. Cette pratique concerne des troubles psychiques comme la dépression ou le trouble de stress post-traumatique, mais aussi des troubles du neurodéveloppement tel que le trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) ou le trouble du spectre autistique (TSA). 

Des professionnels de la santé mentale regrettent cette pratique et en pointent les risques. D’autres – moins nombreux – s’en félicitent et soulignent ses bénéfices. Les témoignages de personnes passées par un autodiagnostic, avant que ce diagnostic soit posé par un médecin, se multiplient. Porté par la popularité de réseaux sociaux comme TikTok ou Instagram, le phénomène est là pour durer. 

  • Lire l’article de Léa Fournier sur Slate

Les personnes en recherche d’explication face aux difficultés qu’elles rencontrent dans leur vie personnelle ou professionnelle lisent, écoutent, regardent sur internet des contenus d’information, des témoignages ou encore font des tests en ligne. Cette quête peut aboutir à un autodiagnostic, avec le risque de se tromper. La personne peut notamment voir un trouble, là où un professionnel conclurait que les critères ne sont pas réunis. Et donc, s’inquiéter pour rien.

Delphine Py, psychologue et présente sur TikTok, explique à BFM TV : “Tout le monde peut se retrouver dans la liste des symptômes [d’un trouble]. En fait, [le diagnostic] c’est vraiment une question de répercussions dans la vie, de fréquence et d’intensité”. 

  • Voir le reportage de Jessica Mohammedi “Des experts alertent sur les pratiques d’autodiagnostic qui se répandent sur TikTok” sur BFM TV 

Mais l’autodiagnostic permet aussi, pour certains, de mettre fin à des années d’errance médicale. Cette situation est fréquente pour les troubles où les professionnels formés manquent en France, par exemple le trouble de stress post-traumatique, le TDAH ou le TSA.

  • Lire l’article de Sarah Nafti “TDAH, autisme : quand TikTok aide au diagnostic” sur Le Parisien Etudiant

Avec l’autodiagnostic, des personnes peuvent trouver une communauté de soutien et des ressources pour aller mieux. C’est l’un des bénéfices de cette pratique, alors que les délais pour passer des bilans et recevoir un diagnostic gratuitement, dans une structure publique, ne cessent de s’allonger. Alistair, vidéaste et vulgarisateur scientifique, s’est d’abord autodiagnostiqué autiste, avant que ce diagnostic soit confirmé par des médecins. Il évoque dans sa vidéo consacrée à l’autodiagnostic une étape intermédiaire qu’il qualifie de “pair-diag”, celle où “les pairs [d’une communauté constituée autour d’un trouble ou d’un handicap] te reconnaissent comme tel”. 

L’autodiagnostic peut aussi encourager la personne à prendre rendez-vous pour la première fois avec un professionnel de la santé mentale, psychiatre ou psychologue. Sans les témoignages trouvés sur internet, certaines personnes n’auraient pas osé consulter, ne se sentant pas légitimes, ou par appréhension. Dans son cabinet, la psychologue Aline Native Id Hammou reçoit plus qu’avant des personnes qui viennent avec un autodiagnostic. « Elles n’ont pas forcément la bonne dénomination pour leur trouble ou leurs symptômes, mais la plupart du temps, elles ne tombent pas très loin”, souligne-t-elle.

  • Lire l’entretien avec la psychologue Aline Nativel Id Hammou dans le quotidien Le Progrès 

Dans les médias, la plupart des experts et des personnes concernées recommandent de ne pas se contenter d’un autodiagnostic et de rechercher une évaluation par des professionnels. “L’autodiagnostic c’est dommage car c’est incomplet, souligne Valérie Jessica Laporte, Québécoise diagnostiquée autiste et présente sur Instagram. La personne n’aura jamais accès à l’analyse dont j’ai bénéficié avec un neuropsychologue, un psychiatre, puis après ça avec un psychologue”. Et d’ajouter : “Dans un monde idéal, tout le monde aurait droit à ses vraies réponses. On n’a pas ce monde idéal là”. 

  • Regarder le reportage de Malia Kounkou sur le média canadien en ligne Urbania