Les droits en ville

Mise à jour : 19/04/2024
Les droits en ville
Quand on vit avec un trouble psychique, on dispose de droits que l’on peut exercer quand on reçoit des soins, mais aussi dans le quotidien. A condition de les connaître.

Quand on est suivi en ville

Nous pouvons être suivis pour un trouble psychique en ville, c’est-à-dire recevoir des soins dans un cabinet ou dans une structure de santé mentale qui n’est pas un hôpital (par exemple un CMP). C’est en ville, aussi, qu’on se rend pour des démarches administratives, pour travailler, se former, pratiquer un loisir, voter. Que nous soyons assis face à notre thérapeute, ou alors debout dans l’isoloir un bulletin de vote à la main, nous pouvons exercer nos droits.   

L’information sur les soins

Nous avons le droit d’être tenus informés de notre état de santé, du diagnostic posé, des traitements qui nous sont prescrits, de leurs bénéfices attendus, de leurs risques et leurs éventuels effets indésirables. Nous pouvons également exercer notre droit de ne pas savoir, si nous souhaitons par exemple rester dans l’ignorance du diagnostic (sauf dans le cas d’une maladie transmissible).

L’accès au dossier médical

Si nous consultons ou avons consulté un professionnel de santé, nous avons le droit d’accéder aux informations qu’il a notées ou reçues figurant dans notre dossier médical, souvent dénommé « dossier patient ». De même si nous avons été hospitalisés. Ce dossier comprend notamment les comptes-rendus de consultations, les résultats d’examens, le descriptif des traitements mis en œuvre, les correspondances entre professionnels de santé. Certaines informations, toutefois, ne peuvent pas être communiquées.

La confidentialité

Nous avons droit à la confidentialité concernant notre santé. Les professionnels de santé comme les médecins, les infirmiers, les pharmaciens ou les ambulanciers sont tenus au secret médical. Ils et elles peuvent partager entre eux des informations médicales (par exemple le diagnostic de notre trouble psychique, le nom d’un médicament qui nous a été prescrit, un symptôme dont nous leur avons fait part) mais doivent s’abstenir de les communiquer à d’autres personnes. Nos proches peuvent être informés de notre état de santé par ces professionnels, mais nous pouvons aussi décider de nous y opposer.

Les autres professionnels, ceux qui n’exercent pas une profession de santé, sont tenus au secret concernant les informations en lien avec notre vie privée. Ce devoir de secret figure dans le code pénal. Cela concerne par exemple les psychologues, les assistants et assistantes de services sociaux.

La personne de confiance

Nous avons le droit de désigner, par écrit, une personne de confiance capable de veiller à nos intérêts et au respect de notre volonté. Cette personne assiste aux entretiens médicaux quand nous le souhaitons. Si nous traversons une période où nous ne sommes pas en mesure d’exprimer notre volonté, elle se fait notre porte-parole et communique notre point de vue concernant les soins proposés. Dans ce cas, son rôle est uniquement consultatif, mais son témoignage concernant nos volontés prévaut sur les témoignages d’autres membres de notre entourage.

Les directives anticipées en psychiatrie

Nous avons le droit de rédiger des « directives anticipées en psychiatrie » quand nous allons bien, pour le cas où nous traverserions une période de crise durant laquelle il nous serait difficile de faire connaître nos besoins et nos souhaits. Nous y précisons, par exemple : « ce que je veux que l’on respecte si je suis hospitalisé » ou « les médicaments ou interventions qui ne m’ont pas aidé par le passé ».

Ces directives s’utilisent en cas de problème de santé mentale. Il ne faut pas les confondre avec les « directives anticipées » tout court, qui servent à indiquer nos volontés concernant la fin de vie. Ces directives sont parfois appelées plan de crise conjoint, car on peut les rédiger avec un professionnel de la santé mentale, par exemple une médiatrice de santé paire ou un médiateur de santé pair.

En pratique, les directives anticipées sont utiles pour que nos volontés soient respectées en tout temps, pas seulement en cas d’hospitalisation. En les exprimant, nous nous plaçons dans une position où nos proches, nos amis, notre employeur, les accompagnants et les soignants, sont amenés à les prendre en compte.

Nous communiquons ces directives à nos proches et aux professionnels de la santé mentale qui nous suivent, afin que leur existence soit connue de tous et qu’elles servent de repères si une crise survient. Chacun peut les écrire à sa façon. Il existe aussi des livrets à remplir, pour faciliter la rédaction. Psycom propose par exemple “mon GPS Guide Prévention et Soins“.

Une relation saine avec la ou le thérapeute

Nous sommes en droit d’attendre une relation saine avec notre thérapeute. En effet, se sentir en confiance est une condition nécessaire à l’efficacité d’une thérapie. Si son attitude nous met mal à l’aise, si nous nous sentons dévalorisés ou humiliés, nous avons la possibilité de faire appel à un autre professionnel. En effet, nous sommes libres de choisir notre thérapeute, qu’il soit psychologue, psychothérapeute, psychiatre… En pratique toutefois, ce choix est limité par le manque de professionnels, notamment de psychiatres. Nos moyens financiers jouent aussi. Car pour certains professionnels, les séances sont prises en charge par l’Assurance maladie et pour d’autres, non.

Si notre thérapeute est psychiatre, il ou elle doit respecter le Code de déontologie des médecins. Celui-ci stipule que « le médecin ne doit pas abuser de sa position notamment du fait du caractère asymétrique de la relation médicale, de la vulnérabilité potentielle du patient, et doit s’abstenir de tout comportement ambigu en particulier à connotation sexuelle (relation intime, parole, geste, attitude, familiarité inadaptée, …) ». Pour des précisions sur ce dernier point, consulter le commentaire de l’article 2 (cliquer sur « Commentaire » puis aller au paragraphe 6-2 « Inconduites à caractère sexuel »). Les manquements à ce Code sont sanctionnés par l’Ordre des médecins.

En cas de doute, nous pouvons faire un quizz en 8 questions pour évaluer nous-même la relation avec notre thérapeute. Le quizz a été conçu par l’Ordre qui régit le métier de masseur-kinésithérapeute, mais il fonctionne aussi quand on est suivi par un professionnel de la santé mentale. On trouve ce « questionnaire d’évaluation de la relation thérapeutique » à la page 15 de la brochure Pour une relation thérapeutique saine et sécurisée. On peut aussi cocher les cases correspondant à ce qui se passe pour nous, parmi les 14 situations décrites sur le « Déontomètre de la relation thérapeutique ». Cette réglette à imprimer indique si la relation est à risque, ou dangereuse.

Par ailleurs, il est utile de savoir que certains mouvements ou individus à risque de dérive sectaire cherchent à approcher des personnes qui se trouvent en situation de fragilité psychique. Ils peuvent nous proposer des séances de « thérapie » à l’occasion de discussions sur internet, lors d’une conférence publique ou dans une réunion privée. Si nous avons un doute sur les intentions de notre thérapeute, nous pouvons regarder quels signes permettent de reconnaître un charlatan ou un pseudo-thérapeute sectaire. On les trouve dans la brochure Psycom (cliquer ci-dessous) et sur le site de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes).

Les soins sans consentement en ville

Nous pouvons recevoir des soins sans consentement, sans pour autant séjourner à l’hôpital. Depuis la loi de 2011, il existe une modalité de soins appelée « programme de soins psychiatriques sans consentement » (PDS), qui permet de dispenser des soins en ville, par exemple dans un hôpital de jour, un CMP, un CATTP, ou bien à notre domicile.

Si nous entrons dans ce dispositif, nous sommes tenus de nous présenter aux rendez-vous prévus. Nos droits et nos recours sont les mêmes que pour les soins sans consentement dispensés à l’hôpital, décrits plus bas dans cet article.   

La reconnaissance du handicap

Nous avons le droit de déposer un dossier auprès de la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) pour demander la reconnaissance d’un handicap psychique. Cette reconnaissance doit nous permettre de compenser les difficultés que nous rencontrons dans notre vie sociale et professionnelle en raison de notre handicap. La démarche est gratuite. Les retentissements de ce handicap sur notre quotidien sont précisés par notre médecin dans un certificat médical joint au dossier.

Cette démarche donne la possibilité d’obtenir des aides pour le quotidien (par exemple une aide financière comme l’Allocation adulte handicapé ou la Prestation de compensation du handicap), pour le travail (par exemple un aménagement des horaires avec la Reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé ou RQTH), pour les études (par exemple un temps majoré pour les examens). Nous avons le droit de garder confidentiel le motif pour lequel nous avons obtenu ces aides.

Le travail

Nous avons le droit à un travail, et à un travail adapté à notre handicap. Ce droit figure dans l’article 16 de la Charte Sociale Européenne garantissant l’effectivité du droit des personnes à l’autonomie, à l’intégration sociale et à la participation à la vie de la communauté, ainsi que dans l’article 19 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées (CIDPH) adoptée par les Nations Unies et ratifiée par la France.

Cependant, l’accès et le maintien dans l’emploi peuvent être difficiles à obtenir. Sans reconnaissance du handicap, nous entrons dans les dispositifs classiques.  Certaines entreprises ou organisations sont sensibilisées aux troubles psychiques et proposent un environnement de travail adapté. Dans plusieurs villes, les Club House et les Collectifs d’entraide et d’insertion sociale et professionnelle (CEISP) soutiennent les personnes concernées par un trouble psychique dans leur recherche d’emploi, sur le principe de l’entraide entre pairs. 

Avec la Reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (voir plus haut), nous pouvons demander un accompagnement spécifique dans notre recherche d’emploi, et postuler dans le public comme dans le privé. A noter que les employeurs publics et privés ont l’obligation d’employer 6% de personnes en situation de handicap ou, à défaut, de verser une contribution financière à un fonds dédié à leur insertion. 

Le vote

Nous avons le droit de voter. Il est exceptionnel de se voir retirer ce droit, et cela se produit seulement sur décision d’un tribunal. Si nous sommes sous curatelle, sous tutelle ou autre mesure de protection, nous conservons ce droit. 

Nous pouvons trouver difficile de nous rendre seul au bureau de vote, si nous sommes en situation de handicap psychique. Pour cette occasion, nous pouvons être accompagnés par un électeur ou une électrice de notre choix. Il ou elle peut être un proche ou bien un professionnel, par exemple un éducateur, un auxiliaire de vie. Si besoin, il ou elle peut nous aider à mettre le bulletin dans l’enveloppe et signer le registre à notre place, comme expliqué dans le guide Vote et handicap de l’association Handéo. Nous pouvons aussi choisir de voter par procuration.

  • Si on est en situation de handicap, lire le guide Le consentement de la personne en situation de handicap (février 2023) où sont abordés aussi bien les soins que la vie sentimentale. Il est écrit en respectant les critères Facile à lire et à comprendre (FALC) et proposé par le Centre Régional d’Études, d’Actions et d’Informations en faveur des personnes en situation de vulnérabilité (CREAI) Grand Est.

Cet article a été écrit par Estelle Saget (Psycom), Sophie Arfeuillère (Psycom) et Maud Meylan (chargée de mission à Psycom jusqu’en 2022). 

Ont été sollicités pour cet article : Olivier Dupuy, docteur en droit, enseignant vacataire à l’université de Bordeaux et à l’université de Strasbourg, formateur spécialisé dans le droit des institutions sanitaires, sociales et médico-sociales ; Olivier Jouanno, médiateur de santé-pair au sein du Dispositif Multi-Services Handicap Psychique (DMS-HP) qui dépend de l’association Adapei-Aria de Vendée à La Roche-sur-Yon ; Pauline Tremblay, médiatrice de santé-paire à l’établissement public de santé mentale Cesame, près d’Angers (Maine-et-Loire) ; Juliette Vaillant, médiatrice de santé-paire à l’Établissement public de santé (EPS) Barthélémy Durand à Etampes (Essonne) jusqu’en août 2023.

© Psycom – Tous droits réservés

Sophie Arfeuillère déclare ne pas avoir de liens d’intérêts avec des entreprises fabriquant ou commercialisant des produits de santé (médicaments, dispositifs médicaux, matériel médical, e-santé, marketing médical, etc.).

Olivier Dupuy exerce comme formateur libéral et intervient à ce titre dans des établissements de santé et du secteur médico-social. 

Olivier Jouanno déclare ne pas avoir de liens d’intérêts avec des entreprises fabriquant ou commercialisant des produits de santé (médicaments, dispositifs médicaux, matériel médical, e-santé, marketing médical, etc.). Il a participé de 2022 à 2023 à l’évaluation de structures de santé mentale dans le cadre du programme Quality rights, en partenariat avec le Centre collaborateur de l’Organisation mondiale de la santé (CCOMS), service de l’EPSM Lille Métropole. Il s’est rendu en observateur dans les établissements qui se portent volontaires en France, pour y évaluer la qualité des soins et le respect des droits.
 
Maud Meylan déclare ne pas avoir de liens d’intérêts avec des entreprises fabriquant ou commercialisant des produits de santé (médicaments, dispositifs médicaux, matériel médical, e-santé, marketing médical, etc.). Elle participe à l’évaluation de structures de santé mentale dans le cadre du programme Quality rights, en partenariat avec le Centre collaborateur de l’Organisation mondiale de la santé (CCOMS), service de l’EPSM Lille Métropole. Elle se rend en observatrice dans les établissements qui se portent volontaires en France, pour y évaluer la qualité des soins et le respect des droits.

Estelle Saget déclare ne pas avoir de liens d’intérêts avec des entreprises fabriquant ou commercialisant des produits de santé (médicaments, dispositifs médicaux, matériel médical, e-santé, marketing médical, etc.).

Pauline Tremblay déclare ne pas avoir de liens d’intérêts avec des entreprises fabriquant ou commercialisant des produits de santé (médicaments, dispositifs médicaux, matériel médical, e-santé, marketing médical, etc.). Elle a participé à l’évaluation de structures de santé mentale dans le cadre du programme Quality rights, en partenariat avec le Centre collaborateur de l’Organisation mondiale de la santé (CCOMS), service de l’EPSM Lille Métropole.

Juliette Vaillant déclare ne pas avoir de liens d’intérêts avec des entreprises fabriquant ou commercialisant des produits de santé (médicaments, dispositifs médicaux, matériel médical, e-santé, marketing médical, etc.). Elle exerce depuis août 2023 en libéral comme médiatrice de santé-paire, au titre de formatrice et consultante indépendante. Elle a participé en 2022 à l’évaluation de structures de santé mentale dans le cadre du programme Quality rights, en partenariat avec le Centre collaborateur de l’Organisation mondiale de la santé (CCOMS), service de l’EPSM Lille Métropole.

Ces déclarations peuvent être vérifiées sur la Base Transparence Santé du Ministère de la Santé.