Troubles psys : ce que peuvent les frères et sœurs

Publié le 13/05/2024
Dans une fratrie, le frère ou la sœur peut apporter du soutien à celle ou celui qui reçoit un diagnostic de trouble psychique. Parfois, être présent suffit.

[REVUE DE PRESSE] Leur parole est rare. On entend peu, dans les médias, les frères ou les sœurs de personnes concernées par un trouble psychique. Et pas grand monde ne s’intéresse à eux. C’est pourquoi la série vidéo “Y a un truc qui va pas”, disponible au complet sur YouTube depuis le 29 avril, est un événement. Ils sont une vingtaine à aborder, chacun à leur façon, des questions dont certaines restent taboues. Que peut-on faire pour un frère ou une sœur qui vit avec des troubles schizophréniques ou bipolaires ? Mais aussi : qu’est ce qu’on peut ne pas faire ? Autrement dit, est-il obligatoire d’apporter son soutien ? 

Le rôle des proches, dans les troubles psychiques, est un sujet de plus en plus traité. On commence à mieux savoir en quoi consiste le fait d’être parent d’une personne concernée, conjoint de, enfant de. Mais frère ou sœur de ? Les fratries restent bien souvent invisibles, dans les médias mais aussi dans le système de soins. Cette série documentaire vise à rompre leur isolement et à les aider à préserver leur propre santé mentale. Elle est proposée par PromesseS, association créée par des familles touchées par les schizophrénies, avec le soutien financier de la fondation Bettencourt Schueller.

Le titre de la série, Y a un truc qui va pas, fait référence au moment où la fratrie perçoit les signes du trouble psychique chez l’un des leurs, avant même que le diagnostic soit posé. Les aspects pédagogiques ont été conçus par les docteures en psychologie Hélène Davtian et Marie Koenig.

Les frères ou les sœurs peuvent-ils aider ? De façon générale, la réponse est oui. Leur rôle peut être plus ou moins important. Justine (le prénom a été modifié), dont le frère est concerné par des troubles schizophréniques, a été jusqu’à mettre sa propre vie professionnelle et sociale entre parenthèses. Elle a rejoint un groupe de paroles organisé par l’Union nationale de familles et amies de personnes malades ou handicapées psychiques (Unafam) pour se sentir épaulée, note la journaliste de Faire Face Claudine Colozzi.  

Cependant, le plus souvent, les moments de soutien alternent avec d’autres où le rejet domine. C’est le propos nuancé tenu par le rappeur Gringe, qui a écrit un livre avec son petit frère concerné par les troubles schizophréniques, Ensemble, on aboie en silence (Harper Collins et Wagram Livres). “Il y a la culpabilité qui se manifeste par la colère, le rejet, je ne comprends plus qui est mon frère, raconte-t-il à Clio Weickert, journaliste de 20 Minutes. Puis je suis rattrapé par la réalité, par l’amour qui existe entre nous, et je lui rends de nouveau visite, j’ai besoin de comprendre de quoi il souffre, comment il vit, comment je peux lui être utile”.

  • Lire l’entretien avec Gringe en 2020 sur 20 Minutes

Si les frères et sœurs ont le pouvoir d’aider, une autre question se pose : doivent-ils le faire ? Autrement dit, est-ce une obligation ? Contrairement à ce qu’on imagine souvent, la réponse est non. L’épisode 6 de la série proposée par PromesseS, titré “Est-ce que c’est ma place de l’aider ?”, fait intervenir une avocate spécialisée en droit de la famille. “Les frères et sœurs se sentent investis d’une obligation morale”, note Gwenaelle Madec. Or il n’y a pas d’obligation légale à porter assistance à son frère ou sa sœur, même après le décès des parents, rappelle-t-elle.

Et la psychologue Hélène Davtian de poursuivre la réflexion, dans la même vidéo : “la liberté c’est une chance, mais ça demande un positionnement plus personnel. Aider ce n’est pas forcément faire quelque chose. Etre là, c’est aider”. Hana, psychologue, elle-même concernée par un trouble psychique, raconte que dans la période de crise, la simple présence de son frère, “la complicité, les moments de blague, ça m’a beaucoup aidé”. 

Qui, pour aider les frères et sœurs ? Ils ont, eux aussi, une santé mentale dont il est nécessaire de prendre soin. Or il leur est difficile de savoir où placer les limites à leur soutien. Alors que le dévouement des proches est valorisé socialement, “il faudrait qu’on parle de toutes les familles qui n’ont pas pu tenir, et qui sont nombreuses, et pourquoi elles n’ont pas pu tenir” suggère la psychologue Hélène Davtian dans le podcast Les maux bleus. 

Dans leurs témoignages publics, les frères et sœurs déplorent le manque d’informations appropriées. Ainsi Chloé revient, dans ce même podcast, sur la solitude qu’elle a ressenti à 14 ans, quand son grand frère a reçu un diagnostic de trouble bipolaire. “J’avais pas d’endroit où échanger sur la maladie de mon frère, raconte-t-elle au chercheur Mickael Worms-Ehrminger. Au-delà du fait que c’était violent ou douloureux ou quoi que ce soit, il y avait malheureusement pas de source d’information, pas d’endroit de discussion, ou alors dans un cadre thérapeutique, mais moi j’étais pas malade !” 

  • Ecouter Chloé dans l’épisode Les ricochets du podcast Les maux bleus, en 2022

Depuis peu, les frères et sœurs reçoivent davantage d’attention, avec la prise de conscience des besoins des jeunes aidants, ces enfants ou adultes qui apportent une aide significative à un proche malade ou en situation de handicap physique ou psychique. Cependant, “la plupart des jeunes que j’accompagne ne se considèrent pas comme aidants, remarque Hélène Davtian dans le podcast cité plus haut. Je pense que déjà, beaucoup font beaucoup d’efforts pour être tout simplement proches, pour être présents, pour ne pas s’enfuir […]. Maintenant on parle de jeune aidant, moi je trouve que c’est quelque chose qui peut être dangereux de substituer une fonction à une relation. “

Il existe des ressources gratuites pour ces jeunes aidants, parmi lesquelles :

  • La ligne d’écoute Brind’Ecoute pour les 13-25 ans, gérée par l’association La Pause brindille 
  • La plate-forme d’information Jef psy et le dispositif d’accompagnement Les Funambules Falret, pour les enfants et les jeunes jusqu’à 30 ans, animés par la Fondation Falret

CREDITS

Veille de l’actualité en santé mentale : équipe Psycom
Choix du sujet en comité éditorial : Estelle Saget, Alexandra Christine, Cyril Combes, Léa Sonnet, Aude Caria (Psycom)
Rédaction : Estelle Saget (Psycom)