Violences sexuelles faites aux enfants : les paroles de Judith Godrèche contre le déni

Publié le 04/03/2024
L'actrice Judith Godrèche a porté plainte contre deux réalisateurs et prononcé plusieurs discours marquants pour dénoncer le silence dans le milieu du cinéma et la société en général.

[VU SUR LE WEB] L’actrice Judith Godrèche a été auditionnée au Sénat le 29 février par les parlementaires de la Délégation aux droits des femmes. Depuis qu’elle a porté plainte contre les réalisateurs Benoît Jacquot et Jacques Doillon, pour des violences sexuelles alors qu’elle était adolescente, l’actrice de 51 ans est devenue la figure de proue du mouvement dénonçant ces violences dans le cinéma français – en particulier quand celles-ci s’exercent contre des mineures ou des mineurs.

Par ses nombreuses prises de parole depuis le début de l’année, Judith Godrèche questionne non seulement un milieu professionnel très influent, mais aussi la société dans son ensemble. Après d’autres actrices, par exemple Adèle Haenel, et des personnalités, comme l’éditrice Vanessa Springora, elle rend visible l’ampleur du déni face aux violences sexuelles faites aux enfants, source de psychotraumatismes dont les effets persistent à l’âge adulte. 

Les interventions de Judith Godrèche ont-elles provoqué une prise de conscience dans le milieu du cinéma ? Le fait que l’actrice ait été invitée à parler lors de la cérémonie des César, le 23 février, marque en tout cas un tournant. En effet, lors de l’édition 2020, le réalisateur Roman Polanski avait été récompensé alors qu’il est accusé de viol – ce qui avait entraîné le départ fracassant d’Adèle Haenel, figure du mouvement féministe #MeToo. Cette fois, à L’Olympia, la “famille” du cinéma s’est levée à l’apparition de Judith Godrèche et l’a longuement applaudi.  

  • Regarder l’actrice aux César sur la chaîne YouTube du quotidien Le Monde
  • Lire le texte qu’elle a prononcé sur 20 Minutes
  • Revenir avec elle sur les conditions de sa prise de parole sur Le Midi Libre
  • Lire l’analyse de la journaliste Julia Vergely dans Télérama

La veille des César, l’acteur Aurélien Wiik, 43 ans, a révélé avoir subi des violences sexuelles exercées par son agent, quand il était mineur – faits pour lesquels il avait porté plainte et obtenu la condamnation de l’agresseur. A cette occasion, il a lancé sur Instagram le mot clé #MeTooGarçons, suscitant de nombreux témoignages concernant l’industrie du cinéma et au-delà. 

  • Analyser la vague de témoignages avec la doctorante en sociologie Lucie Wicky dans son entretien sur France Info 

Peu d’hommes ont fait jusqu’ici de tels récits traumatiques, ce qui s’explique notamment par de forts stéréotypes. “Des messages moqueurs voire insultants […] remettent en cause leur masculinité par le simple fait qu’ils n’ont “pas su se défendre”, écrit la journaliste de France 24 Pauline Rouquette. Face à des préjugés sexistes et homophobes proférés par d’autres hommes, les hommes victimes de viol peuvent éprouver de la peur à l’idée de témoigner des violences qu’ils ont subies”.

Comment mieux protéger les enfants dans l’industrie du cinéma ? C’était l’objet de l’audition de Judith Godrèche au Sénat. L’actrice a demandé la création d’une commission d’enquête sur les violences sexuelles et sexistes dans le cinéma. Elle a aussi suggéré la présence sur les tournages d’un référent indépendant du producteur vers lequel l’enfant peut se tourner, et l’embauche de coordinateurs d’intimité pour les scènes de sexe.

  • Voir des extraits de son audition sur le Huffington Post et l’intégralité sur le site du Sénat
  • Ecouter ce que proposent d’autres actrices engagées pour la défense des filles et des femmes, sur Mediapart

Bien que les discours de Judith Godrèche aient braqué le projecteur sur cette industrie, la dénonciation est plus large. “A travers le milieu du cinéma je parle aussi de la société en général, a-t-elle déclaré à la sortie de son audience au Sénat. Chaque année, 160 000 enfants sont victimes de violences sexuelles en France, selon l’étude Inserm de 2021 relayée par la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise).

  • Ecouter l’actrice ce jour là sur BFM TV

Si le déni était levé, le changement bénéficierait aux enfants mais plus largement à la société en général. Pour mobiliser davantage, la Ciivise avait fait calculer l’été dernier le coût économique des violences sexuelles sur mineurs. “Le gros de ce coût est lié aux conséquences à long terme sur la santé des victimes, leur vie intime, sociale et professionnelle, écrit la journaliste de France 24 Isabelle Mourgère. Le cabinet Psytel estime à 6,7 milliards d’euros chaque année le montant des dépenses induites par le psychotraumatisme et des richesses non créées, dont notamment : 2 milliards pour les troubles mentaux, 1 milliard pour les consultations médicales, 2,6 milliards d’euros de dommages liés à des conduites à risque”.

  • Découvrir les chiffres dans l’article de TV5 Monde

CREDITS DE CETTE REVUE DE PRESSE

Veille de l’actualité en santé mentale : équipe Psycom
Choix du sujet en comité éditorial : Estelle Saget, Alexandra Christine, Cyril Combes, Léa Sonnet, Aude Caria (Psycom)
Rédaction : Estelle Saget (Psycom)